« Je me trouve ici avec
toi ou bien tu te trouves ici avec moi, qui prend le premier
rôle dans cette scène ? »
Toutes les personnes alignées sur cette frise de photographies
ont participé à une mise en situation que nous
décrivons en bref :
Au mur était projeté le texte suivant : Dans ce
lieu, il y a des gens qui portent des chaussettes dépareillées.
Chaque chaussette a son double unique parmi les chaussettes
portées. Chaque personne induit un lien avec deux autres
personnes.
Soit des paires de chaussettes, toutes différentes, dépareillées
mais complètes, pour quil existe potentiellement
des paires a,b,c reconstituées. Une dizaine dassistants
proposent à certaines personnes du public de passer en
coulisse. Là, on leur fait porter une paire de chaussettes
dépareillée et on les photographie ainsi. On les
laisse rejoindre la foule. Puisque chaque chaussette possède
son double, pour chaque porteur x, il existe deux personnes
x et x qui possèdent sur un de leurs
pieds, une des deux chaussettes que porte x. Il se crée
ainsi une multitude dattitudes possibles, un lien invisible
entre tous les participants. Ils peuvent en parler ou pas, ils
peuvent ou non rechercher les propriétaires des doubles
de chacune de leur chaussettes. Ils repartent en tout cas en
conservant ces chaussettes. Il existe une chaîne refermée
sur elles-même formée par la suite des chaussettes
(Ga/Db), (Gb/Dc), (Gc/Db), Ga/Dd étant le couple formé
par les deux pieds, gauche (G), et droit (D) dun participant
N, porteur dune chaussette dune paire virtuelle
a et dune chaussette dune paire virtuelle b. Par
exemple, la chaîne ci-dessus se referme sil existe
une personne qui porte aux pieds (Gd/Da). |
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Lintéressant est que la longueur de la chaîne
est aléatoire puisque celle-ci peut se refermer immédiatement
si on a (Ga/Db), (Gb/Dc), (Gc/Da). La chaîne minimale
comporte donc trois personnes. Le groupe total de participants
peut se constituer en chaînes plus ou moins longues
selon le nombre de participants et le nombre de chaînes
formées aléatoirement. Le jour de la performance,
trois chaînes inégales sont apparues. La chaîne
selectionnée pour la frise comporte quarante-cinq personnes.
Ces chaînes restent bien sûr potentielles tant
que les propriétaires des chaussettes ne forment pas
une communauté.
En réalité, les mentions G et D sont aléatoires.
Si chaque personne possède un pied droit et gauche,
les chaussettes sont neutres, elles ne sont pas différenciées
en droite et gauche. Deux chaussettes dune même
paire peuvent donc être portées par deux pieds
gauche. La frise, constituée par la succession des
photos des participants, doit reconstituer les paires en faisant
correspondre le pied situé à droite dune
photo, et le pied situé à gauche dune
autre photo qui porte la même paire. Mais nous avons
dit que la même paire pouvait être portée
par deux pieds gauches.
Ce cas sest produit un certain nombre de fois. Il ne
restait quune seule solution : retourner les images
fautives pour remettre les choses à leur place et produire
une série de paires reconstituées. Mais où
est la vérité, puisque les chaussettes sont
neutres et ne sont pas différenciées en droite
et gauche ? Il a donc été décidé
de produire une seconde série où lon retournerait
toutes les images sauf celles qui avaient été
retournées la première fois.
Les photographies naissent des coulisses de la mise en situation
mais elles constituent la scène de la frise, tout comme
les chaussettes sont les coulisses dune apparence qui
sinverse, qui se retourne comme une chaussette. La scène
coulisse toujours devant une autre scène, comme les
chaussettes, se décalant dun pied, font tournoyer
la ronde. Ultime retournement, les pieds situés à
droite des photos sont en réalité des pieds
gauches, sauf dans les cas où la photo est inversée.
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